Les médias traitent d'une multitude de sujets d'actualité où la Statistique est largement impliquée. Cependant, dans de trop nombreux cas, il n'est pas facile d'identifier ce rôle central de notre discipline par des non experts, ainsi que ses implications au sens large. Cet état est préjudiciable au rayonnement légitime de la Statistique puisqu'elle est, de fait, mal identifiée par le grand public, les décideurs publics, les entrepreneurs, etc.
MédiaStat correspond à une initiative de la SFdS visant à apporter un éclairage de statisticien.ne.s sur un sujet d'actualité ciblé, extrait du flot médiatique.
Les Groupes Spécialisés (GS) ainsi que les membres du Conseil de la SFdS sont des contributeurs privilégiés pour MédiaStat mais chaque membre de la SFdS doit se sentir libre d'y contribuer également en écrivant à la Cellule Communication de la SFdS.
Ce mois-ci, il est question du système statistique fédéral des États-Unis qui fait face à des attaques sans précédent de la part de l'administration en place depuis janvier.
Très bonne lecture !
Contact : Cellule Communication de la SFdS »
*****
MédiaStat n° 7 (septembre 2025)
Le système statistique fédéral des États-Unis est en grave danger
Depuis quelques mois, nous devons constater que la statistique n’est pas épargnée par l’incertitude géopolitique mondiale et ses conséquences néfastes sur la production de connaissances. La crise n’est certes pas nouvelle, mais elle s’est considérablement aggravée depuis l’installation en janvier d’une nouvelle administration à la Maison Blanche. Les attaques contre les universités et les centres de recherche américains n’ont pas épargné la statistique publique. Du fait du poids des États-Unis dans l’économie mondiale, les conséquences pourraient être très importantes pour l’ensemble des pays de la planète.
Le système statistique américain est très décentralisé ; certaines de ses agences sont mondialement connues et concentrent la plupart des attaques de l’administration Trump, comme le Census Bureau ou le Bureau of Economic Analysis (BEA) qui dépendent du département du Commerce, ou encore le Bureau of Labor Statistics (BLS) qui dépend du département du travail. Mais il existe des dizaines d’autre agences et c’est bien l’ensemble du système d’information qui est aujourd’hui menacé.
L’un des centaines de décrets (« executive orders ») signés par le Président Trump immédiatement après son investiture a consisté à révoquer une décision de l’administration Biden qui avait confirmé la pratique consistant, depuis le tout premier recensement en 1790, à inclure dans les résultats le nombre total de personnes résidant dans chaque État, conformément d’ailleurs à l’article 1er de la Constitution et aux recommandations internationales. Ce décret a cependant été annulé par des juges fédéraux car il est en outre contraire au 14e amendement qui prévoit que le nombre de représentants et le nombre de votes au collège électoral seront répartis entre les divers États proportionnellement à leur population respective, calculée en comptant tous les habitants de chaque État.
Un autre moyen de déstabiliser le système statistique consiste à réduire ou à supprimer les crédits et les postes dont disposent les différentes agences, suite notamment aux interventions du DOGE (Department of Government Efficiency) que pilotait Elon Musk : licenciements d’employés en période d'essai, offres de départ anticipé, départs à la retraite anticipés, … Le 24 février dernier, pratiquement tous les contrats de personnel du service statistique du département de l'éducation, le National Center for Education Statistics (NCES), ont été résiliés. L'Office of Research, Evaluation, and Statistics (ORES) du département de la sécurité sociale a vu ses effectifs réduits d'environ 80 à 40 personnes. Le BEA et le BLS ont perdu au moins 10 % de leurs effectifs.
Un nombre important de comités consultatifs ont été supprimés, par exemple le Comité consultatif fédéral des statistiques économiques, le Comité consultatif du BEA, le Comité consultatif scientifique du recensement, le Comité consultatif national et le Comité consultatif du recensement de 2030 ont été dissous le 4 mars ; le Comité consultatif des utilisateurs de données et le Comité consultatif technique du BLS ont été dissous le 19 mars. Sont ainsi éliminés des outils importants de dialogue entre les producteurs de statistique et leurs utilisateurs.
Plus récemment, le Président Trump a préféré éliminer le messager porteur de mauvaises nouvelles : le 24 février, la commissaire du NCES, Peggy Carr, a été mise en congé administratif ; plus récemment, le 1er août, Erika McEntarfer, commissaire du BLS, a été purement et simplement limogée, suite à la publication d’une note montrant une fragilisation croissante de l’économie et de la situation sociale. Aucune justification sérieuse de cette décision n’a été avancée par le Président Trump qui a simplement affirmé que le dernier rapport sur l’emploi du BLS publié quelques heures avant sa décision, avait été sciemment truqué pour nuire à sa politique. La SFdS a d’ailleurs publié le 2 septembre un communiqué pour manifester son inquiétude face à cette décision.
La communauté statistique internationale ne peut que dénoncer cette déconstruction, hélas, systématique d’un des meilleurs appareils statistiques au monde. Dans sa lettre bimestrielle La Statistique dans la cité (qu’on peut consulter en suivant ce lien »), le Groupe Spécialisé Statistique et Enjeux Publics de la SFdS donne régulièrement des informations sur ces attaques contraire aux Principes fondamentaux de la statistique officielle adoptés à l’unanimité par L’Assemblée Générale des Nations-Unies.
Bureau du GS Statistique et Enjeux Publics de la SFdS |