La statistique dans la cité n°23 - février 2021
Lettre bimestrielle du groupe « Statistique et enjeux publics »
Sommaire du n° 23


Éditorial

Outils :
                                                 - Le télétravail s’est fortement développé durant la crise sanitaire,
                                                    et après ?
                                                 - Le recensement agricole malgré tout !

Feuilleton :
                                                 - Données de santé et autres données en accès sécurisé
                                                 - La saga du recensement de 2020 aux USA
                                                    (suite et sans doute fin)

Notes de lecture :
                                                 - Le Courrier des statistiques n° 5 – 2020
                                                 - Deux cartes pour regarder le pays au fond des yeux
                                                 - La modélisation de la pandémie en première ligne
                                                 - Comment la France compte-t-elle ses morts ?

Vie du groupe :
                                                 - Cafés de la statistique

Tous les numéros précédents de l'infolettre sont téléchargeables sur le site du groupe SEP


Le Groupe Statistique et enjeux publics souhaite pouvoir évaluer l'audience de La statistique de la cité. Or, notre outil de diffusion ne nous le permet pas actuellement. Merci donc de répondre à notre très courte enquête (2 questions) en suivant le lien suivant : https://forms.gle/dN2E9XQZnVsqXVTs6

Editorial

Il y a un an était publié le n° 18 de La statistique dans la cité, le dernier numéro à l’époque du « monde d’avant », encore que les évènements à venir étaient brièvement évoqués en un seul mot (le mot ’coronavirus’) dans son éditorial ; citons l’antépénultième et la pénultième phrases de cet éditorial : « Ainsi, Cafés et l’infolettre La statistique dans la cité se complètent pour essayer d’expliquer comment la statistique peut et doit éclairer les débats de société. L’actualité nationale ou internationale (retraites, coronavirus, …) est bien là pour rappeler ce rôle essentiel de la statistique ».

Les professionnels de l’information statistique ont compté pendant l’année écoulée parmi les principaux acteurs de la lutte contre la pandémie en soutien aux professionnels de santé et aux décideurs politiques, qu’il s’agisse des producteurs d’information du service statistique public ou du privé, des analystes de l’information ainsi produite (par exemple élaborateurs d’indicateurs), des modélisateurs ou des prévisionnistes. Le plus à craindre dans ces circonstances, c’était plus le trop-plein d’informations que leur absence ! D’autant plus que les débats entre professionnels sont souvent médiatisés avant qu’un consensus scientifique émerge. Il en résulte une cacophonie à l’origine du manque de confiance envers les déclarations des scientifiques et a fortiori des décideurs politiques. Le rôle respectif de ces deux acteurs et leurs contraintes sont la plupart du temps insuffisamment explicités. À quoi s’ajoute la difficulté d’interpréter correctement les données statistiques résultant de la collecte, les indicateurs et les prévisions.

À travers des articles, des brèves ou des notes de lecture, La statistique dans la cité a tenté depuis ce n° 18 de proposer des éclairages sur tel ou tel aspect des questions que se posent à la fois les professionnels de l’information statistique et leurs utilisateurs à l’occasion de la crise sanitaire en cours. Au passage, La statistique dans la cité n’a pas oublié de rappeler numéro après numéro les règles éthiques et déontologiques qui sont à la base de la confiance que les utilisateurs peuvent avoir dans les informations qui leur sont proposées.

C’est le but que nous avons essayé de poursuivre dans cette livraison.


Pour nous écrire : sep@sfds.asso.fr

Outils

Le télétravail (1) s’est fortement développé durant la crise sanitaire, et après ?

La crise sanitaire a entraîné un fort développement du télétravail, amenant les syndicats à faire pression sur les entreprises pour négocier sur le sujet. Ces discussions ont abouti à un compromis entre le patronat et quatre syndicats le 26 novembre 2020. Qu’il soit formalisé ou non, le télétravail suppose une organisation du travail spécifique et a un impact potentiel sur les conditions et le collectif de travail.

L’évolution du télétravail a pu être mesurée notamment grâce aux informations collectées par la Dares, qui mène depuis le mois d’avril 2020 l’enquête Acemo (2) mensuelle auprès des entreprises de plus de dix salariés pour savoir comment elles réagissent face à la crise sanitaire. Cette enquête a permis de constater la croissance du télétravail dans le secteur privé durant la première vague de confinement, puis le retour des salariés sur site entre juin et septembre, pour reprendre à la rentrée : la part de télétravailleurs n’était plus que de 10 % en juillet, entre les deux vagues, contre 25 % pendant celles-ci.

Les résultats les plus récents publiés fin janvier 2021 portent sur le mois de décembre 2020 : 25 % des salariés ont travaillé au moins un jour en télétravail (10 % des salariés toute la semaine, 11 % entre deux et quatre jours par semaine, 3 % un jour par semaine et environ 2 % quelques jours ou demi-journées dans le mois). Cette proportion était déjà de 25 % en novembre et de 19 % en octobre 2020. La fréquence du télétravail croît fortement avec la taille de l’entreprise : elle est très élevée dans les secteurs de l’information, de la communication et dans les activités financières et d’assurance, dans lesquelles la pratique du télétravail existait déjà avant la crise.

En 2017, on ne décomptait que 7 % des salariés travaillant au moins un jour en télétravail (3) (sources : enquêtes Sumer 2017 et Reponse 2017). Les cadres étaient alors les plus concernés par ce dispositif. Le télétravail, en devenant plus fréquent, s’est diffusé plus largement parmi d’autres catégories de salariés durant la crise sanitaire. C’est ce qui ressort des résultats de l’enquête EpiCov, exécutée en population générale et publiés dans Insee Première n° 1822 – voir « Confinement : des conséquences inégales selon les ménages » (4). Il faut noter que la mesure du télétravail est nettement plus forte dans l’enquête EpiCov que dans les enquêtes Dares (Cf. encadré « Mesurer le télétravail » dans Insee Première n° 1822).

Peut-on mesurer l’impact du télétravail sur la qualité de vie au travail et sur la productivité des entreprises, et estimer ses effets à plus long terme (inégalités spatiales, marché du travail) ? Toutes ces interrogations sont abordées dans la note Trésor-Eco n° 270 de novembre 2020 (5) « Que savons-nous aujourd’hui des effets économiques du télétravail ? », laquelle s’appuie aussi sur l’article du blog Insee publié le 23 octobre 2020 « Comment le travail affecte-t-il la productivité des entreprises ? Les enseignements très partiels de la littérature ».

(1) Le thème du télétravail sera au centre de la séance d’avril du Café de la statistique (voir le dernier article de cette infolettre).
(2) Acemo : Activité et conditions d’emploi de la main d’œuvre pendant la crise sanitaire.
(3) en retenant la définition souple du télétravail intégrée dans le code du travail en septembre 2017.
Dares Analyses, n°51 novembre 2019 : Quels sont les salariés concernés par le télétravail ?

(4) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4801313
(5) https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/11/19/que-savons-nous-aujourd-hui-des-effets-economiques-du-teletravail


Le recensement agricole malgré tout !

Le recensement agricole (6) est une opération européenne décennale et obligatoire qui a pour objectif d'actualiser les données sur l'agriculture des pays membres de l’Union européenne. En France, il portera sur environ 450 000 exploitations agricoles, dont 30 000 dans les DOM. La collecte des données se déroule entre le 1er octobre 2020 et le 30 avril 2021. Elle se fait selon deux modalités simultanées :
  • une collecte par Internet (7), qui est une nouveauté ; elle concerne une majorité d'exploitants, et leur permet de répondre de manière sécurisée à un questionnaire quand ils le souhaitent, sans attendre le passage d'un enquêteur ; les exploitantes et les exploitants concernés par ce mode de collecte reçoivent par courrier un identifiant personnel qui leur permet d'accéder à leur questionnaire en ligne ;
  • pour les autres exploitations (environ 70 000 en métropole), une collecte de données plus détaillées est effectuée par un enquêteur. Cela permet d'approfondir certaines thématiques, conformément au règlement européen. Ce mode de collecte et ce questionnement plus complet sont généralisés à toutes les exploitations de la Corse et des départements d’Outre-mer.
Les résultats du recensement agricole seront mis à disposition de tous, sur le site Agreste. Les données collectées sont traitées en respectant les règles habituelles d'anonymisation (8).

Malgré les conditions difficiles liées à la pandémie, le recensement agricole se déroule de façon satisfaisante.

(6) https://agriculture.gouv.fr/recensement-agricole-2020
(7) Pour les personnes sans accès Internet ou rencontrant des problèmes informatiques, il est possible de prendre rendez-vous pour effectuer le recensement par téléphone.
(8) Les données individuelles sont disponibles pour les chercheurs via le CASD.


Feuilletons

Données de santé et autres données en accès sécurisé

Dans nos articles précédents portant sur la plateforme nationale des données de santé (alias Health Data Hub ou HDH) nous avions évoqué le rejet de Microsoft comme hébergeur, mais aussi d’autres aspects, notamment un débat sur le degré de centralisation souhaitable des données de santé : données médico-administratives diverses initialement, puis avec la loi de 2019, une extension aux dossiers médicaux gérés par les hôpitaux et par les professionnels de santé (plus des données de cohortes, d’enquêtes, de prévention, etc.). Mais un objectif de regroupements pérennes avec toutes les données utiles provenant d’autres sources, y compris démographiques ou économiques ou étrangères est hors d’atteinte à supposer qu’il soit souhaitable.

Un projet de décret présenté en octobre 2020 à la Cnil confirmait le choix d’une architecture très centralisée avec - en théorie - une obligation faite aux hôpitaux et aux professionnels de santé de verser leurs données au pot dès lors qu’elles ont été recueillies dans le cadre d’un financement public. En attendant, les usages du HDH reposent sur un dispositif provisoire : un décret autorisant des études urgentes liées à la pandémie (mais une visite sur le site ne laisse pas d’inquiéter sur la réalité du dispositif (9)). Le fait est que les données de santé du noyau initial seraient de peu d’utilité si on ne pouvait les apparier avec d’autres mais cela n’implique pas de tout regrouper en un lieu unique sous une unique autorité.

Le rapport Pour une politique publique de la donnée confié au député Éric Bothorel et remis au Premier ministre en décembre 2020 évoque d’autres pistes (recommandations n°s 24, 27 et 29) qui permettraient de reconstituer sans difficulté des bases appariées à la demande sans avoir besoin de les conserver en un même lieu :
  • une politique d’interopérabilité et de qualité des données (démarches de standardisation, doctrine sur les métadonnées...) au sein de chaque secteur et entre les hubs sectoriels ;
  • faciliter l’utilisation de dispositifs techniques constituant une méthode de référence pour les appariements admise par la Cnil et utilisant des numéros d’identification non signifiants (pseudonymes obtenus à partir du NIR comme on le fait déjà dans les domaines de la santé et de l’assurance maladie).
Le même rapport évoque longuement les modalités de mobilisation de données d’intérêt général gérées par des opérateurs privés en privilégiant une approche incitative et concertée, non coercitive sauf en cas de motifs impérieux et d’urgence (recommandations n° 31 et suivantes).

À cet égard on doit souligner la différence entre le secteur de la santé et le régime applicable aux données de l'Insee et des autres organismes. Ces dernières sont régies par le code du patrimoine et le code des relations entre le public et l'administration : les gestionnaires peuvent théoriquement s'opposer à l'usage de leurs données au sein du Comité du secret statistique. Dans le secteur de la santé la loi ne donne pas de droit d'opposition aux organismes gestionnaires des données dès lors que l’accès à celles-ci présente un motif d'intérêt public... Toutefois en pratique le HDH semble s'être rendu compte que les gestionnaires de données ont peu de moyens à consacrer à la mise à disposition de leurs données et qu'il vaut mieux les avoir de son côté et leur proposer de l'aide pour rendre leurs données interopérables avec celles du SNDS.

(9) Voir notamment le catalogue des projets (https://www.health-data-hub.fr/catalogue-de-donnees/snds-fast-track-donnees-du-systeme-national-des-donnees-de-sante-pour-les) et la documentation du système national des données de santé (https://documentation-snds.health-data-hub.fr/).


La saga du recensement de 2020 aux USA (suite et sans doute fin)

Plusieurs numéros de La statistique dans la cité ont fait état des pressions exercées par l’administration Trump à des fins électorales à l’occasion du recensement de la population de 2020, par exemple le n° 10 (juin 2018) à propos de la décision d’introduire, pour la première fois depuis 1950, une question controversée sur la citoyenneté, le n° 16 (octobre 2018) où étaient relatées les suites judiciaires données à cette demande et le refus de la Cour suprême de donner suite à celles-ci et enfin le n° 21 (octobre 2020) qui faisait état du mémorandum présidentiel donnant l'ordre au Census Bureau de retrancher les effectifs des sans-papiers (environ 10 millions) de la population résultant du dénombrement. Comme le rappelaient ces articles, l’objectif visé par ces pressions était de ne plus retenir comme référence la population résidente totale pour déterminer pour chaque État le nombre de sièges à la Chambre des représentants et de votes au collège électoral pour l’élection présidentielle, ainsi que la répartition de 1 500 milliards de dollars de dépenses fédérales annuelles, au prétexte qu’il ne conviendrait pas de « donner une représentation parlementaire à des étrangers qui entrent ou restent illégalement dans ce pays ». Devant la difficulté de modifier la Constitution (tout amendement doit être ratifié par les trois-quarts des États), l’administration Trump s’était attaquée à la définition de la population dans le recensement, définition pourtant conforme aux standards internationaux.

Face aux critiques de la part non seulement des milieux politiques et des médias, mais aussi de nombreux experts, et en particulier de l’ASA (American Statistical Association), le directeur du Census Bureau, le Dr Steven Dillingham a remis sa démission au président Biden le jour même de sa prise de fonction le 20 janvier 2021, après avoir fait part de ses intentions trois jours auparavant. Son mandat aurait dû statutairement s’achever à la fin de l’année 2021. La semaine précédente, Carolyn Maloney, présidente de l’influent comité de la Chambre des représentants sur la surveillance et la réforme (House Committee on Oversight and Reform), avait déclaré que « plutôt qu'assurer un décompte exact, le Dr Dillingham semble avoir accédé à plusieurs reprises aux efforts effrontés de l'administration Trump pour politiser le recensement ». Parallèlement, un rapport de l'inspecteur général de la Chambre des représentants (House Office of the Inspector General) avait établi que les employés du Census Bureau étaient soumis à une pression importante de la part de deux personnes nommées par le président Trump. Dans sa déclaration, le Dr Dillingham avait déclaré que les préoccupations des dénonciateurs découlaient de ce qui semblait être des malentendus sur la manière dont les données seraient examinées et publiées et que rien ne lui avait laissé penser qu’il pouvait y avoir une éventuelle violation des lois, règles ou règlements.

Le recensement de 2020 a connu des obstacles sans précédent en raison de la pandémie de la Covid19 mais aussi à cause des incendies de forêt dans l'Ouest et des ouragans le long de la côte du Golfe du Mexique. Le Bureau du recensement avait été conduit à proposer de retarder la publication des chiffres utilisés pour la répartition des sièges au Congrès jusqu'au début de mars 2021 mais l’administration Trump avait essayé de raccourcir ce délai de plusieurs mois, sans pour autant que la Cour suprême lui donne raison.

Notons aussi que l’ASA avait mis en place à l’automne 2020 un groupe de travail d'experts sur les indicateurs de qualité du recensement pour faire la lumière sur la qualité, l'exactitude et la couverture des dénombrements du recensement de 2020. Son rapport (10) a été remis à la nouvelle administration. Il insiste sur le caractère fondamental pour la démocratie et pour la vie quotidienne des entreprises et des citoyens de disposer d’indicateurs fiables, crédibles et accessibles au public.

Gageons que l’entrée en fonction de la nouvelle administration et ce rapport de l’ASA offriront au Census Bureau l’occasion de retrouver la confiance de ses utilisateurs. Ces malheureux incidents auront attiré l’attention des statisticiens et des utilisateurs de leurs travaux sur l’importance du respect des principes éthiques et de bonne pratique nécessaires pour la fourniture d’une information statistique fiable et de bonne qualité. Et sur le fait qu’aucun pays n’est réellement à l’abri du manquement à ces principes. C’est probablement la fin de la saga du recensement américain de 2020 dont les lecteurs de La statistique dans la cité ont été tenus informés.

(10) https://www.amstat.org/ASA/Science-Policy-and-Advocacy/home.aspx#resources


Notes de lecture

Le Courrier des statistiques (11) n° 5 – 2020 (12) : Le numéro 5 du Courrier des statistiques, publié le 31 décembre 2020, revient en premier lieu, sous la plume du directeur général de l’Insee, sur l’adaptation de la production aux besoins et aux contraintes du début de la période de crise pandémique, de mars à septembre 2020 : méthodes de prévision immédiate (nowcasting) utilisant les données des transactions par cartes bancaires, estimation des déplacements de population grâce aux fichiers d’un opérateur téléphonique, production rapide et régulière de données de surmortalité. Ce sujet avait déjà été abordé dans certaines de nos infolettres antérieures (notamment le n° 19 - avril 2020 et le n° 20 – juin 2020), mais ce témoignage direct sur les questions à court terme ou à plus long terme que peut poser la mission de la statistique publique pendant une période aussi troublée ne manque pas d’intérêt. Un écho plus théorique est donné à ce premier article en fin de la revue, avec une contribution portant sur la notion de « donnée » et l’impact des données externes sur la statistique publique, dans une perspective très inspirée des travaux d’Alain Desrosières : « les données ne sont pas données ». Un rappel fort utile !

Deux articles du numéro sont consacrés à la gouvernance du service statistique public, à travers deux structures essentielles au contrôle de son indépendance professionnelle et de l’objectivité, l’impartialité, la pertinence et la qualité de ses productions : l’Autorité de la statistique publique et le Comité du label de la statistique publique. Ces structures originales au regard des autres pays européens et leurs actions au service des bonnes pratiques et de la déontologie professionnelles sont bien connues des statisticiennes et statisticiens de l’Insee et des ministères, mais assez peu du grand public. Voilà qui pourrait contribuer à améliorer cette connaissance et renforcer par l’exemple la confiance dans les productions de la statistique publique.

Trois autres articles présentent en détail des productions spécifiques d’une grande utilité pour éclairer le débat public sur différents thèmes. Le premier décrit en détail et de façon très pédagogique la production de statistiques issues des déclarations fiscales « au carreau », des carrés de territoire de 200 m jusqu’à plusieurs kilomètres de côté. La production de ces données suppose la résolution de nombreux défis techniques (géolocalisation précise, par exemple, mais surtout méthodes garantissant le respect de la confidentialité pour les contribuables). Ces informations sont précieuses, une fois regroupées en zones d’analyse adaptées, pour fournir des informations territoriales fines dans les zones urbaines où les informations communales ne suffisent pas à éclairer les politiques publiques. Le deuxième article présente la méthodologie des indicateurs de valeur ajoutée des lycées ainsi que le travail d’explicitation destiné à en faciliter la compréhension et une utilisation appropriée par les acteurs du monde éducatif et par le grand public, au-delà de la vision parfois caricaturale des « palmarès ». Le troisième article présente le modèle de microsimulation dynamique construit par la Cnav dans une perspective de projection à l’horizon 2070 du système de retraite.

(11) Revue semestrielle d’information sur le Système statistique public repris sous forme exclusivement numérique en 2018 (voir La Statistique dans la Cité n° 9 – avril 2018).
(12) https://www.insee.fr/fr/information/5008679?sommaire=5008710


« Deux cartes pour regarder le pays au fond des yeux » Martin Vanier, site de l’agence « Telos » 10 décembre 2020 : Martin Vanier, géographe, met en lumière deux cartes de France, publiées l’automne dernier. L’une, en peau de léopard, montre les nouvelles « aires d’attraction des villes » où vivent 93 % de la population. Cette carte décrit la France comme une société urbaine : et les données qui l’accompagnent localisent la croissance démographique dans ces aires (13), y compris dans les « unités urbaines » traditionnelles (14). L’autre carte, bien verte, publiée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, repose sur la nouvelle définition des communes rurales adoptée par l’Insee et par le « comité interministériel des ruralités ». Selon cette définition, les communes rurales regroupent un tiers de la population française, et la croissance de leur population est plus vive que celle des autres communes (15). Dans un cas le dynamisme semble situé en zone urbaine ; dans l’autre, en zone rurale. L’explication de la contradiction est simple : la nouvelle définition des communes rurales y inclut un large ensemble de communes en périphérie des villes, qui appartiennent aussi aux unités urbaines et aux aires d’attraction des villes, et qui sont les plus dynamiques démographiquement.

Il y a du « en même temps » là derrière ! Pour le géographe, cette double présentation est une manière habile de sortir de l’opposition binaire de l’urbain et du rural, et d’émettre un autre message que celui de la progression constante de l’urbanisation. Les « ruralophiles » ne s’y sont pas trompés : la nouvelle définition du rural a été saluée par ceux qui en 2019 accusaient l’Insee d’avoir « rayé la ruralité de la carte » (16). Martin Vanier ne partage pas leur satisfaction : il craint d’y voir « la négation des réalités géographiques, celles de la structuration par les villes en l’occurrence ». Citons sa conclusion : « Les cartes ont toujours été les armes de la géopolitique. Leur faire dire ce qu’on estime stratégiquement désirable n’est pas scandaleux en soi : elles sont un langage, au service d’une intention. Il est amusant de voir l’Insee en servir deux opposées. Il est plus inquiétant de constater qu’une fraction croissante du pays se regarde lui-même avec les lunettes d’antan. ».

La Statistique dans la Cité a déjà présenté à ses lecteurs les nouvelles définitions de l’urbain et du rural : voir nos numéros 18, 19 et 22. La commission « Territoires » du Conseil national de l’information statistique (Cnis) a approuvé la nouvelle définition des communes rurales au cours de sa séance du 26 novembre dernier. Le dossier préparatoire à cette séance, disponible sur le site du Cnis, contient une note explicative (17) claire et complète.

(13) Insee Focus numéro 211 – octobre 2020.
(14) Insee Focus numéro 210 – octobre 2020.
(15) Insee Focus numéro 177 – décembre 2019.
(16) Expression employée par le géographe Gérard-François Dumont dans une interview à “La gazette des Communes” en septembre 2019.
(17) « Synthèse des travaux du groupe de travail sur la définition statistique de l’espace rural – 19 novembre 2020 » 31 pages - site du Cnis : https://www.cnis.fr/wp-content/uploads/2020/08/DPR_2%C3%A8me-Com-Territoires_Bilan_gt_rural.pdf


La modélisation de la pandémie en première ligne, une double page du Monde daté du mercredi 6 janvier 2021 qui permet de familiariser le grand public avec une discipline déjà ancienne ; la modélisation de la pandémie et l’épidémiologie se sont retrouvés en première ligne dans les processus d’aide à la décision et à la une des médias. Dans ce dossier qui foisonne d’informations sur les différentes étapes, de l’analyse critique des données à l’exploitation des résultats des modèles, on rencontre beaucoup des acteurs de cette discipline jusqu’alors méconnue … qui remonte à 1927. Un clin d’œil est indirectement adressé aux lecteurs de La Statistique dans la Cité car y sont notamment cités notre premier invité aux Cafés de la statistique le mardi 6 décembre 2005, Alain-Jacques Valleron, et notre toute dernière invitée le mardi 19 janvier 2021, Dominique Costagliola, élève du précédent. L’attention du lecteur est attirée sur le fait que le résultat d’un modèle n’est en aucun cas une prédiction, mais seulement l’aboutissement d’un scenario basé sur des hypothèses, et que les prétendues « erreurs » attribuées à ces modèles ne sont souvent dues qu’aux mesures prises par les décideurs précisément à la lecture des résultats de ces scenarios.


« Comment la France compte-t-elle ses morts ? » Gilles Pison, France Meslé, The conversation (18), 5 avril 2020 : Lors du Café de la statistique de janvier dernier, consacré aux indicateurs de la pandémie de Covid-19, le débat a largement porté sur la production et l’analyse des données de mortalité. Pour y voir encore plus clair sur la manière dont sont produites ces données « par temps calme » et en temps de crise, voici un article très complet sur ce sujet. Il revient également sur le bilan des épidémies de grippe récente et présente des données de mortalité par Covid-19 par sexe et âge. Les auteurs s’intéressent en particulier à la surmortalité masculine, plus marquée chez les jeunes adultes et les 55-74 ans. Ce profil à « deux bosses » semble assez spécifique à la France au regard de la Grande-Bretagne et des États-Unis et il sera nécessaire, pour en parfaire la compréhension, de réaliser des analyses approfondies des comorbidités dans les mois à venir.

(18) https://theconversation.com/comment-la-france-compte-t-elle-ses-morts-135586


Vie du groupe Statistiques et enjeux publics

Le numéro 22 de La statistique dans la cité rendait compte du premier Café de la Statistique organisé en visio-conférence, après une période d’interruption liée aux mesures sanitaires et à la fermeture du Café du Pont-Neuf qui accueillait jusque-là les séances. Le succès de ce Café « formule pandémie » a permis de reprendre leur rythme mensuel.

Dominique Costagliola, biostatisticienne et épidémiologiste à l’Inserm, était notre invitée au Café consacré aux indicateurs statiques dans la gestion de la pandémie de Covid-19. Ce café a eu une audience record, à la mesure des interrogations suscitées par le déluge de chiffres qui ont accompagné la crise : plus de 170 participantes et participants ont nourri un débat très fourni. L’enregistrement vidéo de la présentation introductive est en ligne (19). Il a déjà fait l’objet de près de 160 consultations.

Le 9 février, Antoine Moreau était l’invité d’une séance sur la façon dont la statistique aide à mesurer l’efficacité de la publicité, là encore avec une bonne participation (70 personnes) et un débat animé. La vidéo de cette présentation sera bientôt en ligne (20).

Les questions de pandémie et d’assurance seront au centre de la séance du 9 mars et celle du 12 avril aura pour thème le télétravail et ses conséquences.

(19) https://www.dailymotion.com/video/x7yvpmo
(20) Le lien sera accessible à partir de la page du site de la SFdS consacrée aux Cafés :
https://www.sfds.asso.fr/fr/statistique_et_enjeux_publics/499-les_cafes_de_la_statistique/


Responsable de l’infolettre : Chantal Cases, présidente du groupe SEP
Rédacteur en chef : Jean-Louis Bodin
Secrétaire de rédaction : Jean-Pierre Le Gléau
Webmestre : Érik Zolotoukhine

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