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Ce mois-ci, il est question du déclin de la biodiversité et de sa mesure.
Très bonne lecture !
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MédiaStat n° 9 (novembre 2025)
Prendre la mesure de la 6e extinction
La réalité du changement climatique est maintenant bien ancrée dans les esprits. Les études d’opinion montrent qu’une vaste majorité de la population mondiale croit à sa réalité et à la nécessité d’agir sur le sujet. Les conférences des Nations-Unies sur le changement climatique, dont la dernière édition (COP30) a lieu à Belem du 17 au 21 novembre, ou les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), contribuent à cette prise de conscience. En parallèle, le déclin de la biodiversité, en partie la conséquence du réchauffement, conduit les chercheurs à parler d’une sixième extinction massive. Pourtant, bien que documentée par des rapports intergouvernementaux similaires à ceux du GIEC (IPBES - Intergovernmental Science-Policy Platform for Biodiversity and Ecosystem Services), cette notion du déclin de la biodiversité est moins présente dans le débat public et fait moins consensus.
Le Café de la Statistique du 14 octobre a débattu du déclin de la biodiversité et de sa mesure. Béatrice Sédillot, Cheffe du Service des données et études statistiques (SDES), Ministère de la transition écologique, et Béatrice Michalland, Sous-directrice de l’information environnementale au SDES, ont détaillé les données disponibles et leurs limites éventuelles. Malgré ces dernières, il n’y a pas de doutes que des changements majeurs sont en cours.
Plusieurs indicateurs phares laissent peu de doute sur le sujet. Calculé au niveau mondial, l’indice Planète Vivante du WWF suit l’abondance relative des populations d’espèces vertébrées sauvages depuis 1970, avec 5 500 espèces répertoriées : il montre un déclin de 73% en 55 ans. La liste rouge de l’Union Internationale pour la nature (UICN) mesure le risque d’extinction des différentes espèces. En France, le pourcentage d’espèces menacées a été multiplié par 2 (à 17%) entre 2003 et 2023. Toujours en France, le Suivi Temporel des Oiseaux communs (STOC), calculé depuis 1989, montre un déclin de l’abondance relative de ces oiseaux de près de 30% dans les milieux agricoles et de 10% dans les milieux forestiers.
Les initiatives pour mesurer la biodiversité sont nombreuses. 7 opérations similaires au STOC, menées par des naturalistes, permettent de mesurer l’abondance relative des chauves-souris, des libellules et d’autres espèces. On recense aussi une dizaine de programmes grand public : 20 000 citoyens étaient engagés dans des programmes de sciences participatives sur la biodiversité en 2011. Il sont 132 000 en 2023.
Une partie des doutes sur les chiffres de la biodiversité vient précisément de cet engagement citoyen : les données de présence peuvent être fonction des observateurs, par exemple. Par ailleurs, l’amélioration continue des technologies permet une détection toujours plus fine : application type PlantNet ou BirdNet, télédétection, ADN environnemental… C’est un développement positif mais la question de l’homogénéité temporelle des séries se pose. Enfin, le calcul des indicateurs agrégés peut lui-même être source de polémique. L’abondance accrue d’une espèce peut masquer le déclin des autres : intégrer la diversité dans le calcul est essentiel, car l’importance de préserver la diversité génétique est scientifiquement établie.
Comme toujours, la question cruciale est de savoir si l’incertitude autour de la donnée est plus faible que les variations observées. Pour les experts du domaine, la réponse est évidente.
Finissons sur un message d’espoir. Une grande partie de la mesure de la biodiversité est d’origine citoyenne. Faut-il y voir le présage que le refus d’admettre l’existence du problème ne sera à terme que l’apanage de quelques tribus des berges du Potomac, elles-mêmes en voie d’extinction ?
Le Bureau du GS Statistique et Enjeux Publics de la SFdS |